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         Exil





(Photo Philippe Boussion)



        Une vie qui bastonne. Une vie qui cogne. Comme un mauvais garçon. Des coups de pied, des coups de poing, des crachats.
        Saignements de solitude sur un équilibre fantôme. On tombe parfois, les genoux dans les pleurs et le sang amer.
        Pantomime et pédalage dans l'effroi. Pensées engluées dans le vice rabougri d'un cercle terrifiant. Avec l'impression d'enfoncer sa tête dans des tambours à claques et d'allonger son corps dans un lit d'orties.
        On se relève avec une pieuvre dans la tête. Masse visqueuse qui suce l'intérieur du crâne. On retombe et on se relève, puis on retombe. Sisyphe repoussant la mal vie. Pensées circulaires aux espoirs déchues.
        Les larmes parlent quand tout se tait autour de ses propres déchirures, de ses errances dévastées.
        Quand on n'habite plus le temps, l'âme n'existe plus et aux rives de la solitude fleurissent les pleurs de l'exil.
        Et puis vient le tragique. Cet état qui repousse la vie. Son idée même. Décor collé à la peau engluant tout cheminement de la raison.
        Funambule des marécages de la pensée errant au bord de l'abîme. Tessiture épuisée d'un cœur sans baume. Lent va et vient entre le cri et l'abandon.
        Alors, à l'ombre du monde, on invente des passages secrets aux muets appels.
        Alors le souffle de la corde se love au creux de la main. Alors on écoute le chant et la respiration brûlante du câble sur sa folie.
        Alors on laisse parler la langue sauvage qui galope à la lisière de la pensée et on se laisse porter vers la disparition.


        Dans l'abandon, la mort est un exode.

Ecouter La jeune fille et la mort de Franz Shubert.