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          La guerre






Autour des ombres les plus farouches au monde, le vent tourne.
Sans même un fétu de joie au cœur.
Il tourne car il est le vent.
Et le vent, sans fin, doit tourner pour emmener au loin le gémissement de la souffrance et des larmes.
Cent mille oiseaux s'endorment au citronnier de l'enfance comme un brasier de lumière.
Alors, les bombes jettent leurs noires semences sur les journées du monde.
Germination artificielle de la mort dans le cœur de l'éternité.
La grande errance des bombes sur les pleurs et les paupières en déclin.
Toute cette jeunesse qui s'endort sous les fers dans ses désirs inertes.
Le pollen du sang pour ceux qui dédient leurs yeux aux abeilles des bombes.
Des jeunes filles et des jeunes garçons qui chantent en se tenant par la main pour offrir leur rire et leurs blessures à la mémoire du temps.
Sous la guerre poussent de sombres ailes tandis que le vent creuse l'écho d'une joie disparue.

Et les bras coupés continuent d'écrire la mémoire de leurs mutilations, les baisers noirs de la mort.
Et les villes écrasées prolongent leur histoire sous les décombres de leurs maisons et des cendres endormies.
Et les tombes étrangères poursuivent les démons de la guerre sous les fleurs étrangères.
Et les crânes ouverts exsudent la puanteur des carnages, des causes prostituées et des désolations en bouillies.
Dans l'obscurité la mémoire vit encore de ses éblouissements.

La guerre peut bien emmener avec elle sa honte et sa peur, la couleur de la mémoire ne changera pas et elle soufflera longtemps encore sur la Palestine, la Syrie, l'Irak, le Yémen, l'Ukraine…

La guerre est un peloton d’exécution sur les murs des hécatombes.

La guerre est partout mais l'histoire ne s'enfuit jamais tout à fait.
Elle se fait simplement silence dans le silence des canons.
Pour un temps.
Le temps que disparaissent les défaites et les conquêtes et que s’égarent les yeux de la mort qui épient les sabliers de l’humanité.

Les jeux de billes reviendront avec l'odeur du foin coupé et du chant des oiseaux dans les buissons du soleil, au milieu des ruines et des choses brisées.
Car la vie est le cri d'un désir sans cesse renouvelé dans la parole du silence.