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          Berta von Suttner


            (1843-1914)

            L’étoile de la paix.

    Bertha Sophie Felicitas est née aristocrate.

    Comtesse Kinský von Chinic und Tettau et baronne von Suttner. Ce nom, dès sa naissance, coulait dans ses aristocratiques veines.
    La lignée de sa famille est militaire. Grand-père capitaine dans la cavalerie et père général. À la maison, l'ambiance est austro-hongroise ce qui ne l’empêche pas de recevoir une éducation très cosmopolite et d'apprendre plusieurs langues. Italien, anglais et français en plus de l'allemand.
    Elle voyage, fait de la musique et connaît les horreurs de la guerre assez jeune lors du conflit austro-prussien.
    A Paris, elle devient la secrétaire d'Alfred Nobel puis elle partira vivre huit années avec son mari en Géorgie dans le Caucase.

    Après son retour à Vienne, elle écrit beaucoup sur le pacifisme et fera la connaissance du philosophe Ernest Renan.
    En 1889, c'est la consécration avec la publication de son livre Die Waffen nieder! (A bas les armes!).
    A l’époque, le livre est préfacé par Gaston Moch, pacifiste, espérantiste et futur président de l’Institut international de la paix créé en 1903 par le prince Albert 1er de Monaco. Le livre est traduit par Albert 1er et est édité en français en 1899 (1).

    Le roman traite des nombreuses guerres qui jalonnent la fin du XIXe siècle. Guerre contre l’occupant autrichien dans le nord de l’Italie en 1859, guerre prusso-danoise, guerre austro-prussienne, guerre franco-prussienne dont la Commune parisienne est un épisode. Lors de son séjour en Géorgie elle est également le témoin de la onzième guerre russo-turque de 1877-1878.
    Le roman a un succès considérable et permet à Bertha de devenir la représentante du mouvement pacifiste.
    Léon Tolstoï compare l’ouvrage à celui de Harriet Beecher Stowe « La case de l’oncle Tom » et il dira : « L’abolition de l’esclavage a été précédée par le fameux livre de Mme Beecher-Stowe. Dieu donne que l’abolition de la guerre le fût par le vôtre »

    Elle participe à la première conférence de La Haye et à la création de la cour permanente d’arbitrage.

    En 1891, elle fonde la Société Pacifiste Autrichienne et occupera le poste de présidente jusqu’à sa mort. La même année elle est élue vice-présidente du Bureau International de la Paix.
    Elle participe à de nombreux congrès pour la paix, elle voyage beaucoup et discute avec les grands de ce monde : l’empereur Guillaume II d’Allemagne, François-Joseph Ier empereur d’Autriche-Hongrie , Nicolas II, le président des États-Unis Théodore Roosevelt.

    Le 10 décembre 1905, elle obtiendra le prix Nobel de la paix et deviendra ainsi la première femme à se voir décerner ce titre.

    Les nouvelles techniques évoluent vite et cela l’inquiète beaucoup. Chaque guerre étant plus meurtrière que les précédentes elle voit les civilisations modernes porteuses d’une barbarie inégalée (Weltkrieg).

    Elle lutta contre l’antisémitisme, le racisme, le colonialisme, la peine de mort.
    Elle lutta pour le droit des hommes et des femmes mais ne rejoindra jamais les mouvements féministes.

    Quelques semaines avant le début de la première guerre mondiale, le 21 juin 1914, Bertha von Suttner décède d’un cancer.
    Elle n’assistera pas au gigantesque feu qui s’allumera juste après l’attentat de Sarajevo ni à l’avancée de la nuit qui allait recouvrir l’Europe durant les quatre années suivantes.

    Elle est presque méconnue en France mais c’est une célébrité en Autriche où elle figure sur des billets de banque, des timbres et des pièces de deux euros.


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Bertha von Suttner


Bertha von Suttner est née dans la guerre.
La guerre, alors, était une invitée familière
Le sang coulait souvent sur le parvis des maisons.
On allait à la guerre comme on va à la chasse
Comme on va à la messe.
L’épée était le dieu qu’on plantait dans les cœurs
Qu’on plantait sur les tombes.


Sa vie glissait sur le sang des guerres
Et elle fit la guerre à la guerre.
Que la guerre pourrisse dans son sang
Son linceul sera blanc.
Le sang n’est pas la nourriture de la paix.


La guerre est une addition de morts
La guerre pousse le verrou des portes
Et balance ses bras velus dans le cœur
De ceux qui pleurent.
La guerre est un ogre qui mange ses enfants.


La guerre contre la guerre
La guerre contre l’ogre
La femme contre la guerre des hommes.


Fi des codes, des normes et du rang.
Plaidoyer féminin pour la paix.
Le hoquet est douloureux pour l’époque.


La paix est une grande besogne.


Paix universelle contre l’abus de morts
Les idées de Bertha sont sans patrie, sans frontière.
Elles sont des lueurs dans le cosmos.


12799 von Suttner est le nom d’un astéroïde.



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     (1) Depuis l’édition de 1899 aucune réédition n’a eu lieu en France. Il faudra attendre 2015 la sortie de Bas les armes ! par les Éditions Turquoise, Levallois-Perret. La préface de l’époque écrite par Gaston Moch a été conservée dans cette réédition.