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          Germaine Tillion


            (1907-2008)

            (Le Panthéon de la paix)

    Comment inscrire la musique de l'humanité dans le fracas du néant ? Comment écrire la légèreté devant la mort ? Comment chanter la résistance lorsque la volonté de l'être humain est corrodée par la souffrance ?
    Comment vivre lorsque le feu est la loi, lorsque, chaque jour, des brasiers de corps sont attisés par les vents violents de la
barbarie ?
    Comment regarder l'écriture comme une délivrance lorsque se meurt le temps et que demain n’existe pas ? Comment dévisager le ciel lorsque tant de visages ont été enterrés sous la pelure du crime infini ? Comment graver sa mémoire sur les pages ensanglantées de l'histoire où se sont consumées tant et tant de gerbes de corps douloureux.
    Comment, de tout ce sang fossilisé dans le vacarme des désarrois horrifiés, laisser des notes de lumières s'échapper des innocences inexprimables ?
    Comment moudre des rêves de danses sur ces moulins de larmes auprès des bordures des fosses puantes ? Comment chercher des cieux à vivre derrière les barbelés inhumains, sous les pleurs des âmes en lambeaux ?
    Comment mastiquer la friandise de l’éternité lorsque la vie dure une journée et que l’on habite les chardons et les braises ?
    Comment se souvenir de l’idée de la beauté lorsque soufflent les ténèbres et le chaos ? Comment être un vivant refrain
dans les turbulences des corps où n’existe nul bagage pour mettre sa vie en partance vers le bonheur ?

    A Ravensbrück (1) , Germaine Tillion a décoré et chamarré de son désir de vivre les nids hostiles des vautours construits sur les misères des âmes.
    A Ravensbrück, Germaine Tillion a soufflé des fleurs d’amour sur ces naufrages horribles. Sur les ailes du vent, elle a écrit une opérette (2) avec les larmes de la fin du monde pour que le cœur des violettes batte encore sur les jours d’amertume (3).

    Germaine Tillion, née le 30 mai 1907 à Allègre (Haute-Loire) et morte le 19 avril 2008 à Saint-Mandé (Val-de-Marne), est une résistante, femme de lettres et ethnologue française. Titulaire de nombreuses décorations pour ses actes héroïques durant la Seconde Guerre mondiale, elle est la deuxième femme à devenir Grand-croix de la Légion d'Honneur après Geneviève de Gaulle-Anthonioz. Un hommage de la Nation lui a été rendu au Panthéon le 27 mai 2015, où elle est entrée en même temps que Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Jean Zay et Pierre Brossolette. (Wikipédia)



Germaine Tillion

Dans le fond du cœur, la fin du monde
Comme des vagues d’où gicle la mort
La brûlure des larmes aux yeux desséchés
L’abîme des regards aux nuits maléfiques
Être femme dans la douleur
Et apprendre la parole de la douleur
Apprendre à garder le ciel ouvert
Sur les souvenirs des chairs gangrenées
Cueillir la musique d’une berceuse
Et porter l’espoir obstiné de la vie.



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     (1) Camp de concentration à 80 km au nord de Berlin, réservé aux femmes. 132 000 femmes et enfants y sont déportés dont 90 000 sont ensuite assassinés.
     (2) Nommée Verfügbar aux Enfers . Le mot allemand verfügbar désigne celles qui, non affectées à un commando de travail, étaient disponibles pour les pires corvées du camp.
     (3) Joyeuse et insolente parodie de l’Orphée aux enfers d’Offenbach, Verfügbar aux enfers a été écrit collectivement pour faire rire et rêver les camarades du camp. Sur des musiques d’Édouard Lalo et Henri Duparc, sur des rengaines populaires voire sur des musiques de publicité, Germaine Tillion raconte vertement le désespoir et la déchéance.