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         Martin Luther King


             (1929-1968)

             Le pasteur de la paix.



    Huit petits sabots noirs jouent des castagnettes sur le goudron.
    Deux mules tirent une charrette de ferme au milieu de deux cent mille personnes. Posé dans ce modeste chariot, un cercueil se dirige vers le cimetière d’Atlanta et durant tout ce trajet, sur la chaussée devant les sabots noirs des mules, le vent fait tournoyer le nom de Martin Luther King.

    Martin Luther King est né à Atlanta, en Géorgie, bastion des confédérés qui poursuivirent l’esclavage en construisant un nouveau monde où régnait le ségrégationnisme.
    Martin porte en lui la mémoire des esclaves, la mémoire de son peuple d’Afrique. Il porte sur sa peau les marques des coups de fouet de ses ancêtres.
    On peut bien avoir toutes ces marques en soi ou sur soi, mais quand on naît alors dans le Dixie (1), on n’est rien. L’existence est pour les autres, pour les blancs. Dans ce pays du «White only» on est noir et c’est tout.
    Noir, là-bas, n’est pas une identité.
    Alors Martin va souffrir mille humiliations, mille maux, mille injustices. Et des brutalités. Et des injures.
    Il devient pasteur à Montgomery, en Alabama, auprès des opprimés. 1954 c’est l’époque où le Ku Klux Klan se mobilise brutalement.
    Et puis, le premier décembre 1955 vers dix-huit heures, dans un des bus jaunes de Montgomery, une jeune fille refuse de céder sa place assise aux blancs. Le refus est héroïque mais va emmener Rosa Park en prison. C’est le début de la résistance pour la communauté noire. La volonté d’exister se doit d’être plus forte que la peur. Le boycott des bus est déclaré et la participation des noirs est de cent pour cent.
    En pleine grève, une bombe explose devant la porte de la maison de Martin. Heureusement sa femme et sa fille sont indemnes.
    Le boycott durera un an et quinze jours.

    Le lundi vingt décembre 1956, Rosa Park, Martin Luther King et Ralph Abernathy (2) s’assoient sur des places réservées aux blancs jusqu’à ce jour.


L’histoire de la libération des noirs se met en marche. Dans les bus jaunes de Montgomery les noirs sont devenus les égaux des blancs.

    Mais les rives de la liberté et de l’égalité sont encore loin et le chemin pour y arriver pavé d’embûches.
    Le 20 septembre 1958 , la mort rôde autour de Martin lors de la dédicace d’un de ses livres. Il est poignardé par Izola Curry, une femme noire, déséquilibrée. Alors King va marcher dans les pas hallucinants de la mort, loin, très loin, presque au bord de sa vie.
    King a la force de son peuple dans sa vie. Et il a le mal de son peuple. Et son peuple l’appelle. Aussi doit-il revenir, même de si loin.
    Malgré le coupe papier japonais planté tout près du cœur, il s’en remettra.

    Et le cauchemar ségrégationniste continue. Menaces de mort, pogroms, attentats, exécutions. Martin et la communauté noire sont solides et se tiennent droits. Rien ne peut les coucher. Ni les matraques, ni les chiens, ni les fusils.
    Le 28 août 1963, face au capitole à Washington, Martin Luther King prend la parole devant deux cent cinquante mille personnes. Il parle de l’exil des noirs dans leur propre pays, il parle de la pauvreté des noirs au milieu d’une étendue infinie de richesse. Il parle des entraves de la ségrégation, il parle des droits du citoyen, il parle de la privation de la dignité par les panneaux «White only».
    Et il parle de son rêve de fraternité entre les noirs et les blancs. Il rêve que les enfants noirs et les enfants blancs pourront bientôt se tenir la main. Il parle de son rêve d’entendre «la cloche de la liberté sonner dans chaque hameau, dans chaque cité, dans chaque état...»
    Ce jour là, les paroles de King ont porté l’espoir dans des millions de cœurs.
    Mais les meurtriers racistes ne peuvent pas se taire longtemps. Voici revenus les jours terribles des meurtres et des attentats.
    En septembre, attentat à la bombe dans une église de Birmingham en Alabama, meurtre d’un jeune noir par les policiers, assassinat d’un cycliste.
    23 novembre à Dallas, le trente-cinquième président des États-Unis, John Kennedy est touché mortellement par une balle.

    Malgré les violences effroyables, la conscience de la nation s’éveille. Cette terrible boucle doit se refermer sur ses souffrances. Ce mal doit enfin agoniser.

    Le président Johnson promet de «faire tomber cette couche de rouille plusieurs fois centenaire qu’est le ségrégationnisme».

    Pour sa résistance non violente au racisme, Martin Luther King devient le plus jeune lauréat du prix Nobel de la paix le 14 octobre 1964.

    La non-violence de Martin Luther King lui a été donnée par son Dieu.
    La non-violence de Martin Luther King et de ses compagnons de lutte porte la marque des chaînes ensanglantées de l’esclavage. Elle porte à son cou les marques des cordes des pendus. Elle porte sur sa poitrine les marques des balles. Sa peau est brûlée par les feux des supplices. Son ventre est bleui par les coups des bâtons. Ses jambes portent les morsures des chiens féroces.
    Toute l’histoire de cette non violence porte les marques haineuses des blancs. Mais malgré toute cette douleur, elle porte en son cœur l’espoir d’un nouveau monde.
    Le 6 août 1965 le président Johnson signe la loi sur le droit de vote des noirs.
    A partir du 11 août 1965, suite à l’assassinat d’un jeune noir, une vague d’émeutes urbaines touche le nord du pays. Après cinq jours d’émeutes à Los Angeles le bilan est terrible : 34 morts et plus d’un millier de blessés.
    Malcolm X dira : «Le sud des États-Unis, réputé raciste, commence au sud du Canada.». C’est le temps du Black power et du Black muslim.

    A Memphis dans le Tennessee, le 4 avril 1968 à 18 heures 01, une balle de calibre 30-06 Springfield, toute brûlante, sort du canon d’une carabine Remington. Elle se dirige à 900 kilomètres à l’heure vers King, debout sur un des balcons du second étage de l’hôtel Lorraine Motel. La balle touche et arrache la mâchoire droite, elle déchire le cou, sectionne les artères et brise la colonne vertébrale.
    C’en est fini de Martin Luther King. Lui qui n’avait jamais haï personne tomba par la simple pression sur une détente du mal.
    Les États-Unis considérèrent ce crime comme un désastre national, comme une honte.

    Le 2 novembre 1983 le président Ronald Reagan signe une loi instaurant un jour férié fédéral (3) pour honorer Martin Luther King.


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Martin Luther King


La non violence est noire.
Je le sais.


Je l'ai croisée le soir du 4 avril 1968.
Elle était agenouillée sur un tapis de fleurs
En bordure d'un petit chemin.
Elle pleurait.
Ses pleurs orphelines coulaient sur ses joues
Elles étaient pures, pures, si pures…
Elles étaient comme la rosée
Que les matins du monde
Déposent sur l’histoire des hommes.
Autour d'elle les fleurs chantaient du gospel
Les larmes qui ruisselaient sur ses joues
Étaient comme les notes d’un piano.
Je l'ai prise dans ma paume
de vieux jardinier
j'ai refermé mes doigts sur elle
Je l'ai déposée dans le fond de ma poche
Et je suis parti sur le chemin
Pour la porter là où les hommes cruels
torturent d'autres hommes.
Sur la route une voix m'a dit.
-"Va et rêve."


La non violence est noire.
Je le sais.



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  (1) Surnom désignant le sud des États-Unis
  (2) Membre du mouvements des droits civiques. Ami de Martin Luther King
  (3) Troisième lundi du mois de janvier, autour du 15 janvier, date de l'anniversaire du révérend